Microbiote intestinal

Une flore vaginale en bonne santé… comment ça marche?

Interview du professeur Sarah Lebeer
(microbiologie, université d’Anvers)

Comment les femmes peuvent garder leur vagin en bonne santé ? Tout dépend du microbiote vaginal et des bonnes bactéries (acide lactique) qui y vivent. Le professeur Sarah Lebeer (microbiologie, université d’Anvers) mène des recherches dans le cadre du projet Isala.

Il s’agit d’un projet de science citoyenne de l’Université d’Anvers visant à mieux comprendre le microbiome féminin (www.isala.be).

Les bactéries protègent le vagin des envahisseurs indésirables tels que les virus, les bactéries et les champignons.

Un microbiote intestinal équilibré est riche et diversifié, mais ce n’est appa­remment pas le cas du microbiote vaginal.

“Effectivement. Nous savons aujourd’hui qu’un microbiote vaginal sain abrite principalement des lactobacilles, des bactéries en forme de bâtonnets capables de produire de l’acide lactique. Il faut savoir que les microbiotes intestinal et vaginal remplissent des fonctions différentes. Dans le vagin, la sécurité et la protection contre les intrus sont primordiales.”

“Des milliers de femmes en Flandre ont répondu avec enthousiasme au projet Isala et ont souhaité y partici­per. Grâce aux questionnaires nous avons pu identifier de nombreux facteurs. Nous avons constaté que le fait d’avoir un enfant est un déter­minant important : après l’accouchement, le vagin présente moins de lactobacilles, probablement en raison d’une diminution hormonale. Lors des grossesses suivantes, le nombre de lactobacilles augmente à nouveau.”

Ce microbiote vaginal change-t-il également au cours du cycle ?

“La population de lactoba­cilles dans le vagin est plus élevée durant la phase de production d’oestrogènes et diminue lorsque le taux d’oestrogènes baisse. Juste après les règles, la quantité de lactobacilles est la plus faible, puis elle augmente à nouveau. Il semble éga­lement que les femmes sont plus sensible aux infections juste après leurs règles, mais là encore, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre exac­tement comment cela fonctionne. Par exemple, après une cure d’antibiotiques, elles sont également plus susceptible de contracter des infections fongiques, car les antibiotiques peuvent également tuer les bactéries bénéfiques et protectrices. Un tel traitement a donc un effet non seulement sur les intestins, mais aussi sur le vagin.”

L’alimentation a sûrement aussi une influence.

“L’étude Isala montre que les femmes qui mangent beaucoup de sucre ou qui boivent souvent des boissons gazeuses sucrées ont moins de lactoba­cilles. De tous les effets nutritionnels, c’est celui-là qui est le plus frappant. Des recherches supplémentaires devront révé­ler si cela s’applique principalement aux sucres rapides ou également à d’autres formes de sucre. Nous voyons un lien, mais encore une fois, des recherches plus approfondies devront être menées avec des participantes suivant un régime alimentaire spécifique. Autre constat : la consommation de noix et de graines a un effet positif sur les lactobacilles, de même que les légumes, surtout en raison de leur teneur en fibres.”

Les probiotiques ont-ils un effet béné­fique ?

“C’est une question complexe. La plupart des probiotiques se prennent par voie orale, sous forme d’aliment ou de complément. Avant de parvenir dans le vagin, ces micro-orga­nismes doivent passer par les intestins et la région péri-anale. Il s’agit d’une voie normale d’échange bactérien. Enfin, ils doivent également être capables de se maintenir dans le vagin, ce qui dépend de l’écosystème ambiant, y compris de la présence de sucres spécifiques dont les lactobacilles ont besoin.

L’administration directe de lactobacilles par voie vaginale serait plus efficace, mais cette solution est difficile et coû­teuse à étudier. Certaines applications sont déjà commercialisées, mais ne sont pas approuvées dans tous les pays en raison de la législation. Des efforts de recherche et développement supplé­mentaires sont donc nécessaires. Chez Isala, nous avons souvent entendu parler de femmes qui inséraient elles-mêmes du yaourt via un tampon en cas de pro­blèmes vaginaux. Bien que cela puisse être utile car le Lactobacillus bulgaricus (la bactérie commune du yaourt) est apparenté aux lactobacilles vaginaux et produit de l’acide lactique, il existe égale­ment un risque d’introduire des bactéries et des champignons indésirables ou des produits chimiques dans le vagin. Il faut donc absolument trouver une meilleure solution.”

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